Les producteurs de lait de chèvre tournés vers l'avenir 

Les producteurs de lait de chèvre tournés vers l'avenir

Février 2021

Après la crise qui a secoué le secteur durant les deux dernières années, les producteurs sont prêts à prendre le taureau par les cornes pour relancer durablement leur production.

Au bout du fil, la voix de Rémi Hudon, président des Producteurs de lait de chèvre du Québec (PLCQ), est optimiste en ce début décembre. Les projets pour l’avenir se multiplient pour un secteur qui ne l’a pas eu facile ces derniers temps.

                                                               crédit photo: Martin Ménard - La Terre de chez Nous

Le nouveau président, en poste depuis octobre 2020, décrit les problèmes qui ont affligé les producteurs depuis 2018: fermeture de l’usine d’Agropur et la perte de débouchés pour le lait qui a suivi, baisse de 11% du prix du lait, départ de 16 éleveurs depuis deux ans et entrée en vigueur de nouveaux accords commerciaux. Une tempête parfaite en somme.

En conséquence, la production est tombée de 10 millions de litres de lait en 2018, un pic pour le secteur, à 7,5 millions de litres en 2020.

Un important chantier de deux and pour les PLCQ

Les producteurs ne sont pas restés les bras croisés. Dès le début de cette série noire, ils étaient à l’œuvre pour trouver des solutions. Un plan détaillé de la situation, présenté lors de la dernière assemblée générale en octobre, a dressé un tableau de ce qui a été accompli, en plus des enjeux et des appuis demandés pour relancer durablement le secteur laitier caprin.

Parmi les gestes posés, les producteurs ont accepté de réduire de 5% le prix du lait. Cette décision provient d’une volonté des producteurs d’être plus compétitifs par rapport à leur vis-à-vis de l’Ontario où la production est 50% supérieure à celle d’ici. Ils ont aussi renoncé aux augmentations de la Commission canadienne du lait de 4,1% en 2018 et de 1,8% en 2020, afin d’être plus attrayants pour les transformateurs. La discussion s’est poursuivie avec ces derniers sur d’autres sujets en plus du prix, dont la qualité et le bien-être animal, fait valoir Rémi Hudon.

Un des changements les plus notables depuis deux ans provient de l’homologation de la Convention de mise en marché du lait et de l’approbation du Règlement sur la qualité du lait. Une autre réalisation dont Rémi Hudon est fier est le suivi de la qualité du lait qui est dorénavant assuré, avec le concours de Lactanet. « C’est un des points positifs de la crise : la qualité s’est grandement améliorée, avec l’aide du MAPAQ et de Lactanet. »

Les volumes estimés et livrés font aussi l’objet d’une gestion plus serrée. Ce à quoi s’ajoute un outil de gestion des approvisionnements et de planification des opérations à partir d’une base de données centralisée. Dernier point et non le moindre, les producteurs ont aussi vu à la mise en place d’une table de concertation avec le gouvernement.

Une profession en besoin d’amour

Si ces mesures mettent en place les jalons de la relance, il reste tout de même à redorer la profession et la production. Le départ de nombreux producteurs a laissé le secteur avec un manque à gagner de 1 million de litres de lait par année. Plusieurs ont jeté la serviette devant le stress causé par l’incertitude entourant les débouchés du lait qui affectait 80% de la production, souligne Rémi Hudon. D’autres membres des PLCQ ont mis le frein sur une expansion de leur ferme pour les mêmes raisons, une tendance qui prend du temps à inverser. Le président souligne d’ailleurs en entrevue la frilosité de certaines institutions bancaires à avancer les fonds nécessaires à la suite des ennuis du secteur, ce qui contribue selon lui à un manque de liquidités chez les producteurs pour apporter les changements qui feraient la différence du point de vue de la rentabilité. Les investissements font d’ailleurs souvent la différence pour améliorer les coûts de production, comme le démontre les récentes études sur la question, plaide le président. « Beaucoup de producteurs se sont tournés vers l’automatisation, ce qui fait réduire les heures travaillées et augmente la performance. »

Quand l’avenir passe par les chiffres

M. Hudon fonde beaucoup d’espoir pour la relance de sa production grâce à l’utilisation de données qui pavent la voie à une meilleure efficacité.

« La dernière étude sur les coûts de production datait (la dernière a été publiée en 2007) mais maintenant on a accès à une étude réalisée en 2019 selon les données de 2016 à 2018. On n’avait pas beaucoup de données. Mais maintenant on a certains modèles plus performants qui peuvent donner l’exemple sur ce qui peut être fait. Ça fait ressortir les bons coups.»

À l’image du suivi plus serré de la qualité du lait, qui a donné des résultats probants (la lecture est passée d’une base mensuelle à hebdomadaire), un suivi aussi étroit quant aux dépenses et la planification devrait aider les producteurs, avance M.Hudon qui donne en exemple un suivi annuel sur les coûts de production pour monter un plan de relance des entreprises laitières caprines. Les services agriconseils sont également sous-utilisés estime-t-il. Un suivi et un accompagnement par quelqu’un de l’éxtérieur peut donner un éclairage supplémentaire sur les activités de la ferme.

Ne reste plus maintenant qu’à convaincre les membres de faire confiance en l’avenir et à faire de même chez les nombreux jeunes intéressés par la production. Le pire semble en effet être derrière. La confirmation des transformateurs à demeurer des joueurs sur plusieurs années donne le signal qu’un engagement est possible. Plusieurs tendances sociales et de consommation qui prennent du poids, telles que l‘engouement pour les différents types de lait et l’achat local, sont vues comme étant encourageantes, confirme M.Hudon.

Une bonne nouvelle pour le secteur

Un des plus gros incitatifs pour les producteurs viendra cependant d’un important investissement en Ontario, estime le président. Une usine de transformation chinoise, la Canada Royal Milk, est voie d’être complétée dans la province voisine pour fournir les nourrissons Chinois en poudre de lait de chèvre maternisé. La capacité de cette usine à terme sera de 60 millions de litres, ce qui représente une hausse de 200% de la production canadienne sur six ans et un important débouché, autant pour les producteurs ontariens que ceux du Québec.

Ce dernier développement, en plus de l’engagement de Saputo et de plusieurs transformateurs à long terme, sont des signes encourageants. « Ca remet en confiance les producteurs et ça devrait aider à relancer la profession », ajoute le nouveau président.

Par Céline Normandin